J’ai trouvé mon style grâce aux jeunes de l’Enfance Difficile et Dangereuse pour qui j’écrivais des histoires. Le peu de vocabulaire qu’ils possèdent m’a obligé à la simplicité. Ils ont appris à lire avec mes nouvelles. Ils les ont lues et aussi comprises. Les voir déchiffrer les mots qui racontaient des histoires sorties de mon cerveau a été une heureuse réconciliation entre l’alimentaire et mon rêve. Ils me questionnent sur Toufik, l’enfant qui espère aller à l’école en labourant le champ de ses parents. Ils rient aux aventures un peu érotiques de Djeneba, ils ouvrent grands leurs yeux sombres lorsque Amine a froid en France et que son papa meurt au pays. Mes jeunes, qui ont traversé les mers pour galérer à Paris, qui ont volé, parfois frappé des innocents qui auraient pu être ma fille, mon fils, ma mère ou ma femme, redeviennent des enfants. J’enseigne aux déclassés, aux oubliés ceux qui auront dès 18 ans une OQTF (obligation de quitter le territoire français). J’enseigne aux délinquants étrangers mineurs que l’aide sociale à l’enfance loge dans des hôtels minables au bas desquels, trafics en tous genres et prostitutions constituent un quotidien maussade. J’ai alors entendu une mélodie souterraine. Elle m’a plu. Je l’entends encore aujourd’hui.
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La vie professionnelle de Frédéric Roussel est animée par deux forces puissantes qui se sont parfois télescopées. D’abord écrire, ensuite enseigner.
Au fond, il a dû attendre des années de clivage partagé entre l’écriture et l’enseignement avant de réconcilier ces forces et de comprendre qu’elles sont complémentaires. Que l’une pouvait se nourrir de l’autre.
Un jour, il eut à assurer des cours à la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Ce fut une rencontre, celle qui a donné un sens rétrospectif à son errance. Il était précisément à l’endroit qui convenait. Le voici professeur auprès d’un public qui nourrit aussi ses romans et ses recherches.